La pratique de l’astronomie amateur nous pousse à aller toujours plus loin, parfois aux limites de l’infini ! C’est vrai pour le matériel, mais aussi dans la recherche du spot d’observation idéal. Particulièrement en astrophotographie ou un ciel nocturne clair et dégagé est essentiel pour des résultats optimaux.
Cette association locale d’astronomie aurait trouvé le meilleur endroit pour observer le ciel. Elle regroupe des Astrams des quatre coins de la région SUD PACA qui mènent depuis 5 ans une réflexion sur le sujet, et dont le projet, qui pourrait bien être un des plus importants jamais réalisé en astronomie amateur, est en voie d’aboutir.
Du setup robotisé …
L’idée est née du constat de l’évolution exponentielle du nombre d’Astrams qui s’adonnent à l’astrophotographie et adaptent leur matériel en ce sens avec des setups plus ou moins robotisés.
"Nous voyons de plus en plus fleurir lors des soirées d’observations amateurs ce genre de configuration légère : une lunette ou un télescope approprié au planétaire ou au ciel profond, une monture motorisée, une ou plusieurs caméras astronomiques, boitier de contrôle à distance et tablette pour l’affichage", témoigne David Fisher le président de l'association.
L’apparition des télescopes automatisés comme les Vaonis de Montpellier ou les Unistellar de Marseille n’ont fait qu’amplifier cette pratique.
Ces configurations peuvent même permettre de manipuler son télescope installé au fond du jardin, depuis son salon ou voir même son lit, bien au chaud l’hiver, ou bien au frais l’été !
En passant par l’hébergement de son télescope dans un observatoire
N’étant pas satisfait des lieux d’observations dont ils disposaient un groupe de réflexion se constitua au sein du club afin d’étudier des solutions d’hébergement sur les meilleurs sites. Ils menèrent des recherches approfondies en termes de coûts, de capacités, et de localisation.
Car il existe plusieurs services d'hébergement pour les télescopes robotisés. Ces services offrent un environnement sécurisé et contrôlé pour son télescope et permettent de le guider à distance via internet.
Les membres du groupe ont commencé par se renseigner dans la région auprès de l’Observatoire des Baronnies Provençales qui propose une formule d'hébergement pour le matériel avec robotisation. Situé à 800m, à Moydans dans les Hautes-Alpes (05) l’observatoire bénéficie d’une bonne qualité de ciel tout au long de l’année. Voir le site
Puis nos Astrams sont allés voir un peu plus loin dans le sud de l’Espagne à l’AstroCamp le premier site d’hébergement de télescopes en Europe. Situé à 1650m d'altitude, il obtient la classe 1 sur l'échelle de Bortle (ciel parfaitement sombre). Voir le site
Et toujours plus loin au Chili à San Pedro de Atacama chez SPACE qui héberge des télescopes robotiques depuis 2004. Ils proposent une variété de télescopes installés, allant de 25cm à 50cm de diamètre, utilisés pour diverses applications comme l'astrométrie, l'astrophotographie, la photométrie d'étoiles variables et la recherche d'astéroïdes.
Son fondateur Alain Maury est un ingénieur avec une formation en photographie. Il a commencé sa carrière au télescope de Schmidt de l'observatoire de la Côte d'Azur en France, où il a découvert son premier astéroïde proche de la Terre en 1983 (1983TF2). Voir le site
Le nord du Chili bénéfici d'un ciel totalement dégagé une grande partie de l'année. Cela permet aux télescopes d'avoir une vue claire de l'espace la plupart du temps. L'air y est sec et froid. Ces conditions sont idéales pour l'observation astronomique car elles minimisent la distorsion de la lumière causée par l'atmosphère terrestre.
Toujours au Chili Astro Evasion propose un hébergement de télescope pour 450€/mois incluant toutes les prestations de maintenance. Voir le site
Le choix du nanosatellite
Mais l’aventure ne s’arrête pas là, lors d’une soirée d’observation bien arrosée de bière provenant d’un brasseur local, Florentin un membre de l’équipe aborde le sujet des CubeSats. Il a un copain en Master MAUCA1 à Nice qui travaille sur le projet « NANOSAT, un satellite pour UCA2 ».
En résumé dans la famille des nanosatellites, le format « CubeSat » correspond à un standard défini par des universités américaines en 1999 pour faciliter l’accès à l’espace pour les étudiants. La taille des CubeSats est normalisée. L’unité de base, dite 1U, est un cube de de 10 cm de côté et 1.3 kg.
Typiquement c’est un satellite beaucoup moins cher qu’une mission traditionnelle.
Ce pourrait être le moyen d’envoyer en orbite un télescope qui ne serait pas perturbé par l’atmosphère terrestre.
L’équipe est enthousiasmée par cette idée et commence à travailler avec les étudiants de Nice, Sophia et Marseille 3.
L’étude de faisabilité et les autorisations légales ayant été obtenues pour lancer le nanosatellite, l’étape conception et fabrication a pu se dérouler dans la plus grande exaltation.
Le télescope Seestar S50 de la société ZWO a été retenu pour ses dimensions, ses qualités techniques et son coût à la portée des associations 4.
C’est un télescope automatique ultra compact et léger dont voici les principales caractéristiques :
- réfracteur à triplet apochromatique d’un diamètre de 50 mm avec une focale de 250 mm ;
- monture altazimutale motorisée ;
- caméra astronomique Sony IMX462 Full HD avec une résolution de 1 920 x 1 080 pixels ;
- un boîtier de contrôle ASIAIR ;
- système de mise au point électrique informatisée ;
- roue à filtres.
L’étape la plus compliquée a été d’adapter le nanosatellite aux dimensions du télescope, une fois séparé de son boitier d’origine et les équipements électroniques de transmission ajoutés.
C’est finalement un triple cube de 15cm (1.5U) qui a été construit.
Le financement du projet
Un projet d’une telle ampleur représente, outre les heures de travail bénévoles, un cout de plusieurs centaines de milliers d’euros.
L’association ayant atteint les limites de ses adhésions (35, dont quatre gratuites pour chômeurs, militaires et femmes enceintes) elle a lancé une cagnotte en ligne ayant rapportée 1591,02 €.
Mais cela ne suffisant pas elle a dû faire appel à des sponsors en échange d’apposer les autocollants de leurs marques (Pastis 51, Région SUD, …) sur le cube, un peu comme sur les voitures de rallye automobile.
Finalement c’est un (très) généreux et discret donateur du 15ème arrondissement de Marseille qui a permis de boucler le budget et rendre possible le lancement du satellite. Il souhaite rester anonyme et nous n’avons pu l’interviewer.
Le lancement et déploiement du satellite
La phase la plus sensible du projet a mobilisé l’ensemble des membres de l’association pour dénicher la méthode la plus économique et écologique pour envoyer le cube dans l’espace.
C’est lors de la 13e édition des Rencontres du Ciel et de l’Espace organisées par l’AFA en 2022 que trois membres de l’association font la connaissance au bar à bières de Michel Pescare.
Ce dernier a travaillé quelques années pour la start-up américaine SpinLaunch. Il continue de développer à titre personnel ce système testé par la NASA permettant d’envoyer des objets dans l’espace sans grosse fusée, grâce à une centrifugeuse géante électrique. Cette méthode de lancement peut éliminer plus de 70 % du carburant et des structures nécessaires à une fusée conventionnelle.
Il y a installé un lanceur qui fait tournoyer tel une fronde des charges de chamallows jusqu'à leur faire atteindre une vitesse hypersonique de 8.000 km/h (2,2 km/s). Une telle vitesse, si elle est verticale, amène les charges à très haute altitude, voir au-delà de l'atmosphère.
Malgrès les nombreuses plaintes de ses voisins dont les jardins sont régulièrement envahis par de la purée de chamallows, il maintient q'un propulseur modeste suffit pour atteindre les 8 km/s environ, pour permettre la satellisation de cubes de la taille d'une boîte à chaussures, placés sur des orbites basses entre 200 et 400 kilomètres et plus.
Les tests de lancement de chamallows ayant été validés, le lancement du nanosatellite baptisé pour l’occasion JSFD5 est prévu ce lundi 1er avril 2024 à 23H33 CET. Souhaitons la meilleure réussite à ce projet amateur et de bien belles images en perspective.
Sources et Notes
1- Master d'Astrophysique de l'Université Côte d'Azur
2- Nanosat un satellite pour l’UCA
3- Centres Spatiaux Universitaires
https://www.lam.fr/formations/nanosats/
5 - Jacques Stockfish Fool’s Day en référence à Jacques le généreux donateur, à la spécialité niçoise de morue très appréciés par les membres du projet et Fool’s Day pour la date de lancement du satellite.
Crédit images
Image by Arek Socha from Pixabay
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